Footpatrol Meets | Thomas Giorgetti

10.06.23 Footpatrol Meets



Co-fondateur de la marque parisienne « Bleu de Paname » en 2009, et passionné/collectionneur de sneakers depuis 25 ans, Thomas Giorgetti est l’un des OG à avoir fait vivre le Sneaker Game parisien. Pour ce nouveau FP Meets, nous avons la chance de le rencontrer pour parler de baskets et de son implication dans la culture depuis les années 1990, en passant par sa vision du jeu jusqu’à aujourd’hui. Découvrez avec nous Thomas Giorgetti, alias Thomas BDP.

FP : Salut Thomas, comment vas-tu ? Pour ceux qui ne te connaitraient pas, peux-tu nous parler de toi et ce que tu fais en quelques mots ?

Salut ! Je suis Thomas Giogetti, co-fondateur de la marque Bleu de Paname. J’officie dans la culture/contre-culture de la rue depuis 25 ans à titre pro. J’ai pu lancer différents types de médias sneakers et textile, ce qui m’a permis d’entrer dans ce milieu et de me faire des contacts, qui sont encore aujourd’hui des amis pour certains. Je voulais entrer dans ces métiers mais le « French Dream » n’est pas « l’American dream ». À l’époque, c’était compliqué de faire comprendre au monde de la mode que les sneakers et le sportswear étaient de réelles cultures. J’ai aussi été consultant auprès de grandes marques ce qui m’a permis d’encore étoffer mon carnet d’adresse. Puis je me suis dit qu’il était temps que je lance mon projet. Je ne voulais pas lancer une marque de sneakers car le game était difficile, très couteux et aussi car j’ai beaucoup de mal à me détacher des marques d’équipementiers. Mon but était de lancer une marque s’adressant à des gens du milieu urbain ayant comme point commun leur art et le fait de beaucoup travailler. C’est une sorte d’uniforme de travail afin d’éviter de s’endimancher et ne pas se travestir avec l’âge, car la société nous impose de nous habiller de telle ou telle façon. Je trouvais que c’était une bonne réponse d’avoir un uniforme comme une toile blanche qui permette à ton travail et ta personnalité de se mettre en avant.

FP : Commençons par parler sneakers. Tu es dans ce game depuis de nombreuses années, comment t’es-tu trouvé passionné par ce milieu ?

Je suis dans le milieu depuis 25 ans, mais officiellement 22 ans en tant que pro. Le reste c’était de la revente. Via mes voyages en Europe j’ai pu dégotter et revendre des paires assez rares. Ça me permettait de me faire un peu d’argent car à l’époque je vivais chez mes parents et je consommais beaucoup de baskets par rapport à la normale, en plus de mes activités sur le côté. La basket était donc très importante pour moi à l’époque. Mais les deux plus gros facteurs sont le Hip-Hop et le basket. Surtout grâce à Jordan qui a été ma clé d’entrée en termes d’esthétique et de design. Principalement les Jordan 4-5-6. La 3 n’a pas tant été importante, car à l’époque il m’arrivait de la confondre avec la 4. C’est surtout la 5 qui m’a traumatisé car le grand frère d’un pote grapheur les avait, et quand je les voyais au pied des escaliers chez eux, je ne pouvais pas m’empêcher de les prendre en main et de les admirer. À cette époque, je m’étais promis d’en avoir une un jour. C’est en 1992 que j’ai eu ma première Jordan 5. Même si c’était déjà cher et assez compliqué de s’en procurer, j’avais réussi grâce à certaines zones que je fréquentais où le basket n’était pas encore à la mode (en banlieue lointaine ou provinces). C’était à Alpha New York store, rue Saint Denis, pour les anciens qui reconnaitront, que je me suis procuré ma première 5.

FP : Depuis toutes ces années tu as pu prendre beaucoup de recul par rapport au sneakers game. Que penses-tu de l’évolution de ce milieu depuis tout ce temps ?

En 2023 je trouve que les sneakers c’est chanmé et triste à la fois. C’est 50/50. La preuve c’est qu’aujourd’hui on me donne rendez-vous et je viens. Si j’étais anti-consommation ou anti-sneakers je n’aurais rien à faire ici à parler de ça. Pour vous dire que je suis encore dans le milieu des sneakers, quand une Travis sort tu peux être sûr que je vais tout faire pour l’avoir par 3 pour pouvoir prendre des photos de cake en famille à Noël. Je la vois déjà la photo tu vois. Parce que c’est un kiff et c’est quelque chose que j’ai envie de transmettre. Après la tristesse c’est cet engouement que l’argent a pris par rapport à la culture et par rapport à l’objet. Aujourd’hui les gens achètent ce qui va être valorisé plutôt que ce qui leur plait vraiment. C’est le seul truc qui me freine car aujourd’hui c’est un peu compliqué de récupérer des paires lorsque tu es passionné. J’ai la chance d’avoir quelques contacts qui ne m’oublient pas car je suis dedans depuis très longtemps mais je trouve que c’est dommage que ce soit l’argent qui ait pris le pas sur la culture.

FP : Tu dis que c’est dommage que les gens achètent ce qui est valorisé plutôt que ce qui leur plait. Aujourd’hui, quelles sont les paires que tu vas rechercher ?

Je vais peut-être vous surprendre mais je suis sur la fin des années 90, des choses que j’ai connues à l’époque. Penny Hardaway, Foamposite… surtout des paires B-ball que je voyais quand j’allais à New York quand j’étais jeune mais que je n’achetais pas forcément. À l’époque j’étais plus attiré par les Air Max.

Aussi, pendant le confinement je me suis dit que j’allais cop une Flight 95. En m’y intéressant je me suis rendu compte que je n’étais pas le seul. Elle plait beaucoup aux États-Unis où ils sont très tournés vers les Jordan de 5 à 8, voire jusqu’à 13. Beaucoup de paires qu’il a porté en match.

FP : Paris dispose d’une grande histoire commune avec les sneakers. On a eu droit à de nombreuses paires exclusives. Parmi celles-ci, y en a-t-il une qui t’a particulièrement marqué ? Pourquoi ?

Bonne question je dois mettre le disque dur en marche !

Je vais être mauvais client pour vous sur la TN parce que je la kiffe pas. Je la bannis parce que venant de banlieue, on était vite catalogué lorsqu’on portait des TN. Je suis plus attiré par les Air Max 90 ou Air Max 1… En revanche d’un point de vue culturel et local, la TN est inévitable. Tu ne peux pas la retirer du marché français. Que ce soit à Paris ou même à St Etienne, Grenoble… les modes changeaient mais la tendance est restée. Il y a aussi la Prada Cup qui est très importante ici à Paris.

Sur les collabs francophones, j’ai été un des premiers à avoir été sollicité. Début 2000 il n’y en avait pas énormément. Mais pour moi, la Pump Fury de Reebok en collaboration avec Chanel fait partie des meilleures collabs francophones, bien plus que la Dunk Paris à mon avis.

La Opium 180 était aussi un très beau modèle qui a marqué Paris.

Après pour être un peu « chauvin », j’ai designé une Air Max 180 qui a été éditée à 12 pieds, qui est l’un des coloris de 180 les plus recherchés aujourd’hui. Elle était un coloris exclusif pour ma boutique « ADN Sneakers Lab » à l’époque en 2004-2005.

FP : En parlant de Paris, ta marque s’appelle Bleu de Paname. Dans quelle mesure la ville t’inspire-t-elle dans tes créations ?

La ville m’inspire de manière positive et négative dans le sens ou c’est une ville magique mais dure en même temps. C’est ce que j’explique à mes potes étrangers. On vit dans un stress quotidien. Il peut être positif, te pousser à aller de l’avant à te battre avec tes idées et t’imposer. C’est aussi une ville attrayante donc pour faire du bruit localement, il faut redoubler d’effort et se remettre en question en permanence et je trouve que c’est une bonne chose. C’est la « ville lumière » donc elle te force à toujours être éclairé et tout le temps averti de ce qui se passe dans les tendances/contre cultures… je suis boulimique de ça. C’est ça Paris.

FP : On sait qu’au-delà de Bleu de Paname tu as eu d’autres projets, comme ton format vidéo/radio « Elle est bonne sa paire ». Dans quelle mesure avoir ce genre de moyen d’exprimer ta passion était important pour toi ?

Petit scoop, ça revient haha. Oui c’était quelque chose d’important car à la fin de mes études déjà, j’ai eu mes diplômes grâce à une expo fictive que j’ai réalisée sur les sneakers. À la suite de ça, j’étais stagiaire graphiste dans un magazine Hip-Hop appelé Radical, où ils m’ont reconduit. Là-bas, j’ai soumis l’idée de faire une rubrique sneakers. De là, le DA m’a dit de le faire sur l’autre partie du magazine de contre-culture appelé Tyler. Du coup, j’ai pondu un hors-série entier en septembre. Ce hors-série était distribué chez Footlocker à l’époque. Ça m’a donné une certaine renommée car à l’époque ça n’existait pas, à part peut-être Crooked Tongues. Ce magazine, appelé Lil Tyler, a été un vrai game changeur pour pas mal de marques.

FP : Tu nous as beaucoup parlé des marques sur lesquelles tu as bossé et celles qui ont été importantes pour toi. Tu pourrais faire un TOP 5 ? Et si tu devais être une paire, laquelle serais-tu ?

Oh t’es dur haha… Bon Jordan 1 Chicago la classique, vraiment indétrônable. Ensuite… la Nike Mac Attack de McEnroe, qui va être rééditée et que Travis Scott a porté récemment, vraiment un graal. Tu peux tout faire avec : du skate, du basket…

Ensuite la « Dunkle » car je suis un grand fan de Futura 2000. Elle pourrait se faire talonner par la dernière en date de Off White x Futura Lab, qu’ils ont sorti pour les défilés en deux coloris qui sont deux bombes atomiques. Je pense qu’elles sortiront un jour ou l’autre, parce que bon, 100 000 dollars aux enchères aujourd’hui… je vais laisser passer. J’ai une fille et une femme haha. Mais j’avoue que j’ai quand même regardé par curiosité. Je ne la mets pas en top 5 mais elle pourrait y être. En 4eme position… tu me poses une colle. Je ne l’ai pas mais la Rebook Pump Fury x Chanel ça reste un top. Et en 5, allez la 180 ADN pour laquelle on me sollicite régulièrement. Mais je la garderai, elle fait partie de mon ADN. Si je devais être une paire ça serait la Jordan 1 Chicago sans hésiter.

FP : Thomas, merci beaucoup pour cet échange c’était un plaisir. Pour finir, aurais-tu un mot à dire pour les amis et la famille de Footpatrol ?

Faites-vous kiffer ! GR ou hype l’important c’est d’être looké d’avoir un bon style et être intègre avec soi-même. Ne pas chercher à ressembler à quelqu’un, même si Instagram a dit qu’il fallait être comme ça ! Il faut s’inspirer mais être sur un copié collé, ce n’est pas intéressant. C’est ce que je reproche aux générations d’aujourd’hui. Il faut aussi que les choses se fassent, c’est pour ça que les anciens ont ouvert des portes. Il faut que ça continue, mais ce marché va se réguler. Je pense qu’on est proche d’un pallier de consommation qui va remettre le curseur au bon endroit, freiner un peu le resell et réguler les prix. En tous cas, ça me ferait plaisir. Merci à vous et longue vie à Footpatrol !

Au cours de notre échange, Thomas portait différents modèles de  New Balance 991 Made in UK. Retrouvez la paire en magasin et en ligne sur Footpatrol.fr.

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