Chaque mois, Footpatrol vous propose de découvrir de nouveaux talents de la scène parisienne s’exerçant dans des domaines différents.
Depuis 1 an, Ludivine lie sa passion pour le Temps à son art. Découvrez avec nous le travail de Ludivine Boucher A.K.A. 3Moires.
Salut Ludivine, on te connait sous le nom de ta marque 3Moires que tu développes sur Instagram.
Peux-tu nous dire quelques mots sur toi, ton travail et tes influences ?
Salut! Je fais du crochet et du tricot, et j’essaye de matérialiser des notions et des théories physiques et astrophysiques liées au temps, à travers la création justement. Il y a un mot anglais que j’aime bien, c’est « wearable art ». Je trouve que ça s’y prête bien : je crée des vêtements/accessoires, mais il y a une grosse implication de ma part. Quelque chose de très sensible, de très personnel et intuitif qu’on ne peut pas détacher de ces pièces.
Tu expliques que le temps est ta plus grande inspiration. Comment t’es-tu trouvée intriguée/passionnée par ce dernier ?
Enfant, tu passes toujours par l’étape des questions existentielles. « Où sommes-nous dans l’univers ? », « Qu’est-ce qu’il y avait au tout début ? », « Est-ce que le temps est cyclique ou linéaire ? »… Mon père m’avait offert plusieurs livres pour y répondre. On discutait ensemble de théories, mais sans rien de trop scientifique, surtout de l’imaginaire et un peu de philosophie. Les questions sur le temps et sa nature étaient les seules sans réponse satisfaisante (pour moi). Je suis d’abord partie sur un fort intérêt du temps traité par le cinéma. Puis, il y a 2-3 ans, j’ai approfondi les sujets du temps d’un point de vue physique et astrophysique, et j’ai pu lier ça au crochet l’an dernier.
Tu exprimes ta passion pour le temps et l’espace à travers tes créations.
Comment as-tu choisi le crochet comme medium ?
C’est la technique qui me parle le plus pour traiter ce sujet. L’analogie entre le temps linéaire et le fil est très ancienne en soit! Avec le crochet/tricot, je pars d’un fil qui représente le temps, pour créer toute une structure avec des centaines de mailles. Elles forment un espace d’une autre dimension auquel je vais donner du sens. Si on regarde mes pièces, on va toujours vers plus de structure, et en même temps vers plus de déstructure sur la fin et c’est très important pour moi. C’est l’histoire de l’univers, tendre vers plus de structure avec la formation des galaxies, la naissance du complexe… mais aussi vers plus de déstructure et de désorganisation avec l’augmentation d’entropie.
Peux-tu nous expliquer ton process créatif ?
Alors d’abord il y’a une phase d’« idéation » qui peut se passer de deux manières différentes : soit j’ai déjà certaines notions en tête à matérialiser, parce que se sont des notions clés que je visualise bien, ou bien je vais faire des recherches et m’inspirer de livres, de conférences, de magazines d’actualités scientifiques pour découvrir de nouveaux aspects!
Ensuite il y a directement la création, j’essaye au mieux de matérialiser ces idées, ces images, ces théories. Je ne passe pas par les étapes de dessin, prise de mesure, création de patron, etc. pour l’instant.
On sait que tout est fait hand-made. Y a-t-il eu des pièces que tu as réalisées sur-mesure ?
Pour l’instant, je n’ai pris aucune commande à proprement parler pour ne pas me mettre de pression extérieure parce que je ne sais pas si je serais capable de suivre un modèle précis, avec parfois des mesures, des directives et des délais stricts. Par contre, j’ai pu 1 ou 2 fois échanger sur des projets intéressants pour lesquels j’avais carte blanche!
Donc 99% du temps, je réalise et je mets en vente certaines pièces, et d’autres restent à prêter/louer pour des projets artistiques.
Qu’est-ce qui est le plus délicat dans la création de pièces et le développement de ta marque ?
Maintenir une certaine régularité et discipline. C’est difficile de m’engager à faire un drop par mois par exemple, parce que je ne veux pas me forcer à crocheter. Mais d’un autre côte, c’est encore plus difficile de développer sa marque sans mettre d’article à vendre ou en postant tous les 3 mois. C’est ça le plus challengeant pour moi, de trouver la bonne balance.
Y a-t-il des personnes qui t’inspirent ? Dans ce milieu ou un autre ?
Jean Pierre Luminet, un astrophysicien et artiste qui s’inspire de ses travaux et de théories physiques pour faire des dessins et gravures incroyables.
Daniel Arsham, un artiste pluridisciplinaire qui traite du sujet du temps, d’une certaine manière, dans toutes ses œuvres.
Étienne Klein, physicien et philosophe des sciences. C’est une référence en termes de vulgarisation scientifique surtout sur les sujets liés au temps.
Françoise Combes, une astrophysicienne impressionnante pour ses travaux et en tant que première femme à avoir eu certaines distinctions.
Quel(s) conseil(s) donnerais-tu aux personnes voulant se lancer dans la création de manière générale ?
Ce serait de pouvoir identifier ce pour quoi ils le font. Je pense que la création c’est de l’ordre du sensible, c’est presque comme un besoin/une nécessité d’exprimer certaines idées à travers elle. Après avoir identifier la raison pour laquelle on a cette envie de créer, de dessiner, de coudre, de modeler, de peindre… je trouve que ça ouvre un champs des possibles beaucoup plus large, et c’est quelque chose que j’aurais aimé comprendre plus tôt ! On est beaucoup plus conscient de ce qu’on fait, de ce qu’on crée, quand on y implique notre cœur, notre « moi », et notre âme.
Merci Ludivine de nous avoir accordé de ton temps. Y a-t-il un mot que tu aimerais partager avec la famille et les amis de Footpatrol ?
Merci à vous aussi de m’avoir laissé l’opportunité de m’exprimer sur ce que je fais, c’est pas toujours évident pour moi de trouver les mots justes mais c’était vraiment un plaisir ! À très vite j’espère !
Au cours de notre échange, Ludivine portait la Adidas Orketro 2.0. La paire est actuellement chez Footpatrol en ligne et en magasin.